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Le concept du “Voisinage Méditerranéen”, composante de stabilité dans la méditerranée et le Moyen Orient

2015-10-21

Le concept du “Voisinage Méditerranéen”, composante de stabilité dans la méditerranée et le Moyen Orient

Amine Gemayel
Président de la République Libanaise, 1982-1988

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23eème Congrès du Parti Populaire Européen
Palais municipal des Congrès, Madrid
21 Octobre 2015

Panel sur
“La stabilité méditerranéenne: sécurité, migration et coopération”

Co-organisé par
Le Parti Populaire Européen et le Réseau Européen d’Idées

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Permettez-moi, de prime abord, de remercier chaleureusement le Président Joseph Dau, le Secrétaire Général Antonio López-Istúriz, et le président du panel Paolo Rangel d’avoir organisé cette importante consultation.

Je commencerai mes remarques brèves par la discussion du concept du « Voisinage Méditerranéen” en tant que composante de stabilité dans la région de la méditerranée et du Moyen Orient, avant de passer à l’énumération des trois défis majeurs auxquels le voisinage méditerranéen fait face, à savoir : la gouvernance – notamment le manque de bonne gouvernance au Moyen Orient – la crise des réfugiés, et la menace que présente l’extrémisme et le terrorisme.

En effet, le thème général de notre panel – “Stabilité méditerranéenne” – fait écho au partenariat euro-méditerranéen, lancé en 1995 à Barcelone lors d’une conférence réunissant les représentants de l’Union Européenne ainsi qu’une douzaine de pays de la méditerranée, y compris le Liban et la Jordanie.

Aujourd’hui, malgré les différentes crises qui troublent le voisinage méditerranéen, je suis fermement convaincu que cette région retrouvera, avec le temps, son équilibre en tant que communauté cohérente au plan culturel et économique.

De même, tout en nous penchant sur les aspects destructifs présents sur la scène internationale, comme je le ferai dans quelques instants, nous devons nous rappeler que le voisinage méditerranéen bénéficie de vrais avantages, comme d’importants gisements de pétrole et de gaz dans les fonds marins de la méditerranée de l’Est et du Nord.

Nous devons de même garder à l’esprit que le peuple Arabe représente une immense réserve de capital humain inexploitée. La mobilisation de cette richesse humaine pour des fins positives permettra de promouvoir la stabilité, non seulement dans le Monde Arabe, mais aussi dans le voisinage Européen et plus globalement au niveau des relations internationales.

Après avoir exposé cet optimisme prudent, permettez-moi de me concentrer sur l’étendue et la nature de certaines tempêtes dangereuses et interconnectées qui soufflent dans le voisinage Européen.

Pas besoin d’un acte d’introspection analytique pour conclure que la période du Printemps Arabe n’a pas pu être le prélude du printemps des peuples Arabes. Partout dans ce monde Arabe, les demandes populaires pour une participation démocratique et significative des citoyens dans la gouvernance ont été contrecarrées ou même avortées.

De plus, les problèmes enracinés dans ce monde comme la pauvreté, la corruption, le manque d’éducation, et les soins de santé inadéquats se sont aggravés en raison des guerres qui se poursuivent en Iraq, en Syrie, en Libye, et plus récemment au Yémen. Ceci a inévitablement entrainé une intensification du terrorisme, du fanatisme et de l’extrémisme.

Il est clair que le monde Arabe ne réussira pas à résoudre le déficit en bonne gouvernance sans recours aux relations de partenariat et de coopération internationales semblables à celles que pourra déclencher une politique de voisinage méditerranéen.

De retour à la crise actuelle des réfugiés, vous n’avez sans doute, honorable audience, aucun besoin d’une description de l’étendue ni de l’ampleur de cette calamité. Il va sans dire que le problème des réfugiés illustre de manière dramatique le thème de ce panel, et prouve que la région de la méditerranée et le Moyen Orient représentent en effet un « voisinage » unifié.

Les pays Européens qui accueillent les flux de réfugiés se doivent de répondre à des questions pressantes: A qui doivent être accordés les droits de transit, d’asile temporaire, ou de résidence permanente ?

Le flux de réfugiés en Europe ne parait qu’insignifiant auprès des vagues de réfugiés qui ont frappé le Liban, la Jordanie, et autres pays du Moyen Orient au sens large. Au Liban, selon certaines estimations, les réfugiés représentent actuellement un quart de la population.

Tout comme dans le passé, la crise actuelle des réfugiés tant au Liban que dans d’autres pays, a provoqué une multitude de défis, les plus dramatiques étant les menaces à la sécurité, la cohésion sociale et l’économie.

Dans le but de gérer, et éventuellement de résoudre le problème des réfugiés, le voisinage méditerranéen a besoin d’adopter une approche cohérente, coordonnée, et multilatérale, le point de départ étant de poser la question suivante: “Pourquoi ces milliers de réfugiés vont vers l’Europe ? »

La réponse est tout simplement brutale: La question des réfugiés ne pourrait être résolue qu’à la fin des conflits armés en Iraq et en Syrie. Toutefois, les « solutions politiques » sont tout autant urgentes que difficiles à réaliser. C’est pour cette raison que les Etats Unis et la Russie doivent promouvoir et coordonner leurs efforts diplomatiques pour mettre fin à ces guerres à travers un règlement politique.

Le problème des réfugiés représente une menace double à long terme pour la stabilité du voisinage méditerranéen. D’abord, par la perte des catégories clés de la société – notamment les citoyens éduqués et hautement qualifiés – qui va retarder la reprise post guerre des sociétés arabes, et ensuite par le défi auquel feront face les pays hôtes Européens, à savoir comment intégrer de grandes communautés d’immigrants profondément traumatisés. Un échec à ce niveau augmentera sans doute le danger de provoquer plus de frustration et par suite plus d’extrémisme.

Enfin, le voisinage Européen émergeant fait face aux défis menaçants de l’extrémisme religieux et du terrorisme. Ce phénomène double ne peut être vaincu que par des Etats qui agissent de manière indépendante, puisqu’il nécessite une coalition internationale.

La coopération internationale désirée doit être axée, en partie, sur le volet militaire, sécuritaire, et de l’intelligence. Mais pour vaincre le prétendu Etat Islamique, et d’autres mouvements extrémistes, le voisinage méditerranéen – ainsi que la communauté internationale au sens large – doivent opter pour une approche élargie et plus nuancée.

Pour cette raison, mises à part la bonne gouvernance et les opportunités éducatives, j’ai lancé un appel pour la création d’un “Concert de Religions” qui s’efforcera de mener les efforts multinationaux et multiconfessionnels à garantir le pluralisme religieux, surtout au Moyen Orient.

Ce Concert de Religions sera capable, dans une première étape, de rassembler les grands leaders des différentes communautés religieuses dans un Sommet Spirituel qui amorcera formellement les efforts de préservation du pluralisme religieux, notamment au Moyen Orient.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie de m’avoir accordé l’opportunité de partager avec vous ces brèves réflexions. Je crois avec ferveur que le concept d’un voisinage méditerranéen pourra paver la voie à plusieurs autres opportunités de stabilité et de développement mutuels.

Je suis convaincu que par la sagesse de ses dirigeants, le Parti du Peuple Européen jouera sans doute un rôle primordial dans le but de transformer le voisinage Européen d’un concept émergeant à une vraie composante de la stabilité mondiale.

Merci.