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Après la tempête: Démocratie et développement dans le nouveau Moyen-Orient

2013-12-10

 

Allocution de Bienvenue du
Président Amine Gemayel
Prononcée lors de la conférence intitulée
« Après la tempête: Démocratie et développement dans le nouveau Moyen-Orient »
Organisée par:
The German Marshall Fund – La Maison du Futur
Washington D.C.
Mardi 10 décembre 2013

Chers collègues, Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie de votre participation à ce séminaire organisé conjointement par « The German Marshall Fund » des Etats-Unis (GMF) et la « Maison du Futur » du Liban (MDF).
En tant que fondateur et directeur de la Maison du Futur, je voudrais dire mon espérance et mon attente que nous inaugurions aujourd’hui une coopération fructueuse et durable entre la « Maison du Futur » et le « German Marshall Fund ».
A mon cher ami, le Président Craig Kennedy j’adresse de chaleureux remerciements car c’est bien grâce à vos diligences que cette conférence et d’autres initiatives ont pu être lancées.
J’exprime également ma gratitude à mon ami et collègue Docteur Hassan Mneimneh qui a œuvré sans relâche pour donner forme et substance au concept conjoint entre le GMF et la MDF pour la réforme et le développement de ce Moyen-Orient tourmenté.
* * *
Comme vous le savez, le monde arabe connaît un changement d’une dimension et d’une importance considérables. Mais la question qui n’a pas encore de réponse est celle-ci : « Sommes-nous à la veille d’une nouvelle ère de stabilité et de prospérité ou bien à celle d’un nouveau cycle de guerres et de destructions ? »
L’on peut rassembler des preuves pour soutenir les diagnostics optimiste et pessimiste. La « Maison du Futur » et le « German Marshall Fund » sont cependant résolus à saisir toute opportunité de garder foi en cette courageuse avant-garde en quête de changement fondamental dans le monde arabe.
Le partenariat MdF-GMF a accepté avec enthousiasme de relever le défi de participer à l’édification d’un meilleur Moyen-Orient fondé sur la paix, la stabilité et les droits de l’Homme.
La notion selon laquelle le Moyen-Orient est une zone de conflit et d’instabilité, dépourvue de ressources humaines et matérielles suffisantes pour assurer son développement, est facilement confortée par la guerre qui fait rage aujourd’hui en Syrie et par d’autres conflits mineurs qui couvent ou éclatent dans d’autres zones de crise, comme le Liban.
Mais la notion contraire ne bénéficie pas de toute l’attention qu’elle mérite. Cete notion parle du Moyen-Orient en tant que zone de croissance, et même de plusieurs croissances remarquables en termes de capital humain, d’esprit d’entreprise, de ressources naturelles et de technologies de l’information.
Ainsi, d’une part, la tourmente qui fait rage a causé l’atrophie, voire l’effondrement des institutions gouvernementales et sociales dans des régions comme le Yémen, la Libye, l’Egypte et d’autres pays arabes.
Mais, d’autre part, le monde arabe est bien placé pour lancer et soutenir des initiatives en vue de reconstruire une meilleure gouvernance, de promouvoir la transparence, et d’assurer la liberté et le pluralisme. Les efforts de réforme doivent viser, en premier lieu, la reconstruction post-conflit, en deuxième lieu, de nouveaux systèmes d’éducation, en troisième lieu le développement économique et, en quatrième lieu, la sensibilisation, la disponibilité et la qualité de la protection sociale.
La notion de croissance que le partenariat MdF-GMF doit incarner et promouvoir est capable de créer un mouvement positif qui peut aider, non seulement le Moyen-Orient, mais aussi l’économie mondiale et la géopolitique planétaire. Mais cette notion positive doit être nourrie, encouragée et fortifiée au sein de la région.
Les protagonistes arabes du postulat de croissance –dirigeants politiques, technocrates, enseignants et défenseurs de la société civile – doivent coopérer avec les démocraties libérales pour créer une dynamique fondée sur de nouveaux modèles de partenariat et non sur les pratiques discréditées du paternalisme.
Même pendant « la tempête », il est impératif – comme nous le faisons aujourd’hui – de voir plus loin et de considérer les exigences et les nécessités de l’après-tempête qui ne manquera pas de s’instaurer.
L’institution qui porte le nom du grand George Marshall peut s’enorgueillir d’un héritage remarquable et d’une compétence singulière dans l’entreprise hasardeuse mais vitale qui consiste à forger des coalitions en vue du changement.
L’héritage du général Marshall nous incite à réfléchir à trois similitudes entre les conditions en Europe au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et les réalités qui ne manqueront pas d’apparaître au Moyen-Orient à la suite du réveil arabe :
La nécessité d’œuvrer en vue de la reconstruction matérielle et du développement économique,
La nécessité d’adopter ce que l’on pourrait appeler une « modération inspirante » pour mettre en échec les appels de l’extrémisme (en Europe, il s’était agi de l’extrémisme politique du communisme, au Moyen-Orient il s’agit de l’extrémisme religieux du terrorisme).
La nécessité d’adopter de nouveaux systèmes de gouvernance, à l’intérieur de chaque pays comme sur le plan de la coopération régionale.
Le Plan Marshall avait été un accélérateur de développement économique, de modération politique et de coopération internationale. Je crois fermement aujourd’hui que ce que j’appellerai « l’Arab Marshall Plan pour la liberté, le pluralisme et la gouvernance » pourra aider à transformer le Moyen-Orient.
En ce qui concerne la liberté et le pluralisme, « l’Arab Marshall Plan » donnera la priorité à l’éducation et au dialogue afin de promouvoir le vivre-ensemble, et de donner aux différentes communautés les moyens de coexister en paix. Ces mesures pourraient s’intituler « l’évolution des mentalités dans le respect des identités ».
En matière de gouvernance, «l’Arab Marshall Plan » pourrait se pencher sur les questions d’ouverture, de transparence, de rotation du pouvoir, surtout pour ce qui a trait aux limites des mandats. Ces mesures et d’autres concernant la gouvernance figureraient sous la rubrique « réforme des institutions ».
Par-dessus tout, « l’Arab Marshall Plan » doit mettre l’accent sur la promesse d’un partenariat qui ne s’apparente nullement à l’ancien paternalisme. Le Plan Marshall historique a réussi parce qu’il a encouragé les Européens à coopérer les uns avec les autres et, sur la base de cette coopération, à construire un partenariat durable avec les Etats-Unis.
De même, «l’Arab Marshall Plan » doit encourager les compétences arabes dans les secteurs clés de l’Etat et de la société – et notamment la jeunesse – à coopérer ensemble au-delà des différences sectaires, ethniques et nationales, et à bâtir des relations durables avec des partenaires internationaux, en Europe et en Amérique du Nord notamment.
Les programmes et les activités du nouveau Plan Marshall doivent être conçus de manière à accélérer et renforcer la notion de croissance du Moyen-Orient, en faisant appel aux technologies de l’information et aux médias pour ouvrir de nouveaux espaces publics et promouvoir les forces de la modération dans leur combat légitime contre l’extrémisme.
Les acteurs de la société civile, particulièrement ceux qui ont le soutien des jeunes, ont déjà transformé le paysage politique régional. Les anciennes dictatures ont disparu ou sont en voie de disparition, ou alors – comme en Egypte – elles se trouvent contraintes de négocier des compromis avec les jeunes forces du changement.
Au Moyen-Orient, la notion de croissance et la société civile sont mutuellement dépendantes ; elles croîtront ou s’affaisseront de concert. Afin de prévenir le pire, des efforts combinés doivent être exercés sur le long terme afin de passer au crible le legs social, politique et religieux tourmenté de la région et mettre en route des options nouvelles fondées sur l’engagement civil, l’intégration régionale et le partenariat international.
Mesdames et Messieurs,
L’initiative conjointe entre le « German Marshall Fund » et la « Maison du Futur » réussira si elle est conçue et appliquée en tant que processus inscrit dans la durée et dédié à l’étude, la réflexion et l’action. Cette réunion inaugurale qui nous rassemble doit être suivie d’autres conférences réunissant toujours davantage de participants venant d’un large éventail d’intérêts, d’institutions et de groupes.
Pour survivre et prospérer, la « notion de croissance » que j’ai mentionné doit attirer un réseau d’acteurs qui apporteront leur contribution active ou leur soutien efficace, qu’ils soient Arabes, Européens, Nord-Américains, Russes, Japonais, etc. La « Maison du Futur », pour sa part, tentera de trouver et d’associer à cet effort les principales institutions arabes en quête de changement et de réforme.
Aujourd’hui comme à l’avenir, la MDF et le GMF invite un vaste éventail de personnes et d’institutions à mettre leurs idées et leurs ressources au service des tâches qui nous attendent.
Merci